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Philippe
Auguste, un roi conquérant et organisateur
(1180 - 1223) |
Une difficile succession
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A partir de 1180, Philippe Auguste succède à son père
Louis VII : il n'a que 15 ans et est encerclé de principautés
théoriquement vassales mais en réalité indépendantes
et arrogantes vis à vis du pouvoir royal. |
Henri II, son "rival vassal" possédait la Normandie,
l'Anjou, le Maine, tout le territoire marqué en jaune sur
la carte ci-contre.
L'héritage du roi de France, en vert sur le carte, est donc
plus que limité et très fragile : contrairement
à son père Louis VII, il va se consacrer en priorité
à affirmer son pouvoir en agrandissant son royaume.
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Poursuite d'une guerre d'influence
Manquant d'une solide armée, Philippe Auguste décide d'affronter
l'Angleterre : il n'a alors qu'une seule possibilité, exploiter
les dissensions entre le tyrannique roi d'Angleterre Henri II et ses 4
fils , dont Richard Coeur de Lion et Jean sans Terre.
Par un subtil et périlleux double jeu, sa stratégie consiste
à opposer les fils au père, puis divise les frères
entre eux.
Mais la mort de deux des fils suivie par la mort d'Henri II en 1189 va
mener naturellement Richard Coeur de Lion sur le trône d'Angleterre
: il ne reste comme atout au roi de France que le dernier fils Jean sans
Terre (ainsi nommé car il n'hérite d'aucun territoire) pour
poursuivre sa stratégie.
Echec de la 3ème croisade
et la poursuite
du conflit anglo-français
Le sultan Saladin, maître
musulman d'Egypte, a repris Jérusalem en 1187 : les 3 grands
souverains d'Occident ne peuvent pas se soustraire à cette
nouvelle croisade car les chrétiens n'ont plus la possibilité
de visiter le Saint Sépulcre.
Les rois Philippe Auguste, Richard
Coeur de Lion et l'empereur d'Allemagne Frédéric
Barberousse rassemblent leurs contingents à Vézelay
en 1190 et font le "votum crusis" (voeu de croisade).
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Saladin, le danger des croisés
Saladin est un homme redouté : il sera parvenu
à prendre le contrôle de l'Egypte en 1169, puis de
la Syrie en 1174 afin d'assurer l'unité de l'Orient Musulman
pour mieux repousser les Occidentaux. Il est donc considéré
comme un danger pour les états latin d'Orient. En savoir
plus sur Saladin
et sur sa progression
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Philippe Auguste, roi de France
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Richard Coeur de Lion, roi d'Angleterre
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Frédéric Barberousse,
empereur d'Allemagne
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Pour la 1ère fois, les armées française et
anglaise arrivent par la mer : la route de terre des croisades,
longue, pénible et périlleuse du fait de la traversée
de l'Asie Mineure (Turquie actuelle), est alors définitivement
abandonnée. Le royaume de Chypre est développé
pour former une base arrière aux croisés et ouvrir
ainsi la voie maritime vers la Terre Sainte.
Navire de transport, ici aux couleurs du Temple,
sur lequel s'entassaient hommes et vivres pour les croisades.
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La muraille de Philippe
Auguste
Avant son départ en croisade, Philippe Auguste fait construire
pour défendre Paris une véritable muraille entourant
Paris : plus de 5km sur 3m d'épaisseur et 9m de hauteur !
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Suivant la vallée du Danube, l'empereur d'Allemagne Frédéric
Barberousse se noie en traversant une rivière en Asie Mineure et
son armée se disloque progressivement : il ne reste donc en lice
plus que les armées française et anglaise pour poursuivre
cette croisade.
La mésentente entre les souverains ne tarde pas à être
préjudiciable à l'efficacité de l'expédition
: seule la ville de Saint-Jean-d'Acre est reprise en 1191 au terme d'un
siège de 2 ans.
Prétextant une maladie, Philippe Auguste rentre en France en 1191
pour continuer sa guerre d'influence contre les anglais en exploitant
les tensions entre Jean sans Terre et Richard Coeur de Lion qui est resté
en Terre Sainte.
Ce dernier, inquiet de la collusion entre Philippe Auguste et Jean sans
Terre, décide de rentrer 14 mois plus tard sans parvenir à
reprendre la Ville Sainte : il négocie en
1192 avec Saladin au titre du traité de Jaffa :
- la reconnaissance des conquêtes des croisés, soit une
mince bande côtière entre Tyr et Jaffa,
- la liberté de pèlerinage sur les Lieux Saints pour les
chrétiens.
Victime d'un naufrage sur la route du retour, il est fait prisonnier
par l'empereur d'Autriche qui le livre à l'empereur d'Allemagne,
soudoyé par le roi de France : Philippe Auguste est donc soulagé
par l'absence de son rival et obtient de Jean sans Terre la rétrocession
de la Normandie et d'autres territoires.
Contexte de Robin des Bois |
La fameuse histoire de Robin des Bois et de ses acolytes dans la
forêt de Sherwood se situe dans ce contexte du prince Jean
sans Terre tyrannique qui, au nom de l'intérim de son frère,
le roi Richard Coeur de Lion retenu prisonnier, confisque de nombreux
biens.
Cette histoire apparaîtra en Angleterre au XVI et connaîtra
de nombreuses versions, dont celles de l'auteur Howard Pyle ou de
Walter Scott, puis le dessin animé de Walt Disney en 1973.
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Une guerre ouverte contre les anglais
et la victoire
de Bouvines !
La situation va s'assombrir pour le roi de France car Aliénor
obtient la libération de son fils Richard Coeur de Lion en 1194
au bout de 14 mois de détention : ce dernier va le harceler de
combats et le réduire aux abois au bout de quelques victoires.
Mais la mort de Richard Coeur de Lion en 1199 (il
reçoit un carreau d'arbalète en assiégeant le château
de Châlus dans le Limousin, défendu par moins de 35 soldats,
et succombe de la gangrène) et son remplacement par Jean
sans Terre retourne la situation. (voir
le site de Château Châlus).
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Richard Coeur de Lion
Fils d'Henri II de Plantagenêt et d'Aliénor
d'Aquitaine, il acquière rapidement une réputation
de prince ambitieux et de chevalier indomptable. Sa bravoure exceptionnelle
vont lui permettre d'entrer de son vivant dans la légende
puis de devenir l'archétype de roi-chevalier.
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Philippe Auguste profite du 1er prétexte (il a enlevé puis
épousé de force la fiancée d'un de ses vassaux puis
assassiné un de ses neveux) pour traduire par Jean sans Terre devant
la Cour et le faire condamner à la saisie de ses fiefs français
en 1202 : cette sentence lui donne la légitimité de s'emparer
de l'Anjou, du Maine et de la Touraine et d'envahir la Normandie.
C'est notamment la chute
de Château Gaillard en 1204, suivie des autres points stratégiques
sur la Seine, qui livra la Normandie au roi de France. |
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Il ne reste à Jean sans Terre que la Gascogne en 1206 mais il
ne s'avoue pas vaincu.
Ne pouvant supporter ces affronts, le roi d'Angleterre forme une coalition
avec l'empereur germain Otton IV et les comtes de Flandre et de Boulogne
qui sont en rébellion contre la royauté française.
Le plan de Jean sans Terre semble imparable : prendre le roi de France
en tenaille avec les anglais à l'ouest et les coalisés à
l'est, les deux armées devant faire leur jonction à Paris.
Le roi de France lève l'ost (service militaire dû par les
vassaux à leur souverain) et met en marche 2 armées :
- celle menée par son fils, le futur
roi Louis VIII : elle écrase les anglais le 2 juillet 1214 à
la Roche aux Moines,
- celle menée par Philippe Auguste :
le but est de contrer les armées de l'empereur Otton IV et des
comtes de Flandre et de Boulogne, alliés des anglais.
Les adversaires attaquent les français
à Bouvines le dimanche 24 juillet 1214, enfreignant ainsi
la "
paix de Dieu".
Les chevaliers français emportent la bataille aux cris de
"Montjoie
Saint Denis" : le combat n'aura duré que 5 heures
et la bataille de Bouvines entre dans les annales
de l'histoire française comme l'une des grandes victoires
!
Le lendemain, une véritable procession s'organise pour rejoindre
Paris sur 300 km : les cloches sonnent et les habitants acclament
le cortège vainqueur. Ferrand, comte de Flandre prisonnier,
aura droit comme raillerie à cette expression restée
célèbre : "te voilà
ferré Ferrand".
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Une habile politique expansionniste
La politique expansionniste de Philippe Auguste sera aussi servie par
:
- Un meilleur contrôle des grands seigneurs
qui se rebellent contre lui : son administration va les affaiblir afin
de récupérer et de rassembler des territoires français.
- Une habile politique matrimoniale : veuf
d'Isabelle de Hainaut, il épouse Ingebruge, fille du roi du Danemark
avant de la répudier pour épouser Agnès, fille
du Duc de Méranie.
- Une diplomatie judicieuse qui a incité
ses vassaux à faire la guerre au roi d'Angleterre pour se débarrasser
de la domination anglaise.
Par ses victoires, l'autorité et la puissance de Philippe Auguste
en sortent renforcées et l'unité du pays s'affirme : l'Angleterre
ne possède plus que le duché de Guyenne au sud-ouest à
la fin de son règne.
Trop occupé à défendre son autorité et à
combattre les anglais, Philippe Auguste ne s'implique pas directement
:
La partie bleue foncé représente le domaine royal
en 1180. Les parties en bleu clair s'y étaient ajoutées
en 1223, ce qui représente un quadruplement de l'étendue
du royaume français au détriment des Plantagenêts.
Le royaume compte alors de 18 à 20 millions d'habitants.
Philippe aurait d'ailleurs reçu le
surnom d'Auguste en raison de toutes ses conquêtes territoriales
(ou tout simplement, selon une autre théorie, parce qu'il
est né en Août ).
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Une administration forte et centralisée
La France manque en cette fin de XIIe d'une organisation
centralisée.
Jusque là, l'administration du royaume dépendait
des prévôts : ils tenaient leur charge comme une sorte
de fief en refusant souvent toute docilité à l'égard
du roi.
De plus, la mainmise des vassaux sur les régions rendait
peu efficace cette organisation.
Philippe Auguste confie donc l'administration locale à des
baillis ou sénéchaux :
ils sont nommés par le roi, dépendent de lui et choisis
parmi la petite noblesse et la magistrature. Ils sont de véritables
fonctionnaires au service de l'Etat.
Issus des collégiales royales ou des universités,
ils connaissent le droit romain et savent rédiger des actes
et des chartes, ce qui contribue à construire un royaume
centralisé autour du pouvoir royal en diffusant les décrets
royaux, en exécutant les décisions royales et en surveillant
les vassaux.
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Un bailli reçoit les ordres du roi
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Servant le pouvoir royal avec zèle, les baillis
vont contribuer à alimenter le trésor royal (gardé
dans le Palais à Paris) : la fiscalité locale qui
alimentait les seigneurs se substitue alors aux impôts et
aux taxes royales. De plus, les communautés juives et le
clergé sont lourdement imposés.
Ainsi, le roi a enfin les moyens financiers pour conduire sa politique
de centralisation et de conquête.
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Exemple : Philippe Auguste instaurera un impôt pour financer
la 3ème croisade :
la "dîme saladine", levée
en 1188.
A partir de Philippe Auguste, le roi rend la justice au Parlement dont
il avait exclu les grands seigneurs trop turbulents : il préfère
s'entourer de conseillers qui viennent de la bourgeoisie, classe entreprenante
et ambitieuse comprenant commerçants, juristes et fonctionnaires.
Les magistrats du Parlement sont eux aussi des agents du pouvoir royal.
Le 1er Parlement se fixe à Paris et sera suivi par d'autres implantations
dans les grandes villes de province.
Philippe Auguste a donc véritablement
jeté les bases de l'État en imposant :
- une administration centralisée et forte,
- des instances de contrôle,
- l'organisation d'une justice itinérante dans le royaume
- le principe du dépôt fixe d'archives à
Paris.
Progressivement, les souverains et leurs administrateurs
affirmeront donc l'autorité royale sur tout le royaume et
non plus sur le seul domaine royal.
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Les sergents d'armes
ancêtres des gendarmes
Philippe Auguste est à l'origine de la création de
la 1ère police militaire, armée capable de faire appliquer
les décisions des magistrats. Avant de partir en Terre Sainte
en 1190, il institue les "sergents d'armes",
placés sous l'autorité des connétables (chefs
des armées). Ces derniers s'appuient sur des maréchaux
(d'où le nom de maréchaussée), qui délèguent
à leur tour sur des prévôts, chargés
localement de contrôler les "gens de guerre".
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Le début des archives
Le roi, qui se déplace beaucoup, a la mauvaise habitude
de transporter avec lui les principaux documents dont il a besoin.
Mais en 1194, Philippe Auguste perd durant une bataille contre le
roi d'Angleterre ses archives. De cette triste expérience,
il décide de conserver en un lieu sûr les archives
royales : localisées au Louvre puis dans la sacristie de
la Sainte-Chapelle sous Saint Louis, on y retrouve les registres
des décisions royales, les traités, les hommages et
les reconnaissances qui établissent les droits du souverain
sur son royaume.
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Bilan de Philippe Auguste :
La terminologie "
France " apparaît !
Dès 1190, la chancellerie royale emploie parfois à
la place de rex Francorum , " roi des Francs ", le titre
de rex Francie , " roi de France ", attestant l'unification
du royaume.
L'expression devient usuelle en 1204 et le
terme de regnum Francie , royaume de France, apparaît en 1205
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Après avoir organisé l'administration
et multiplié par 4 ou 5 l'étendue des possessions royales,
Philippe Auguste meurt en 1223 après 43 années de règne
: son royaume est le plus développé, le plus uni et
le plus puissant d'Occident. Sa forte personnalité, le sentiment
aigu qu'il a de la dignité royale, sa ténacité
et sa capacité à savoir attendre (vertu fort peu chevaleresque)
font de lui l'un des plus grands rois de l'histoire de France. |
Le Louvre, du château fort de Philippe-Auguste (1190)
Le
château médiéval du Louvres (à l'origine
du musée actuel) a été édifié à
Paris par le roi Philippe-Auguste à la fin du XIIe siècle
: il comprend alors de nombreuses tours au milieu desquelles s'élève
un donjon. Cette construction lui permet d'affirmer son pouvoir et positionne
Paris comme sa capitale (ville que Clovis avait déjà choisie
en son temps).
Les travaux récents de restauration de la Cour Carrée et
la construction de la pyramide ont permis d'effectuer des fouilles archéologiques
: les fossés et les fondations du château-fort initial avec
son donjon ont ainsi été découverts.
Chanson de Roland
La Chanson de Roland composée vers 1065 est la 1ère
chanson de geste française : sa diffusion sera ensuite encouragée
par le roi Philippe Auguste dès la fin du XIIe pour faire
concurrence à la légende du roi Arthur, revendiqué
comme ancêtre par ses ennemis Plantagenêts, et qui connaît
alors dans tout l'Occident un succès inouï.
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