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Les châteaux-forts
sous les capétiens |
Plus de 10000 vestiges de châteaux-forts en France témoignent
de notre passé médiéval : notre pays est parsemé
de ces traces d'un passé porteur de mythes qui ont enthousiasmé
les romantiques ... et par la suite beaucoup d'autres passionnés
!
"Dramatiques comme des squelettes, les
ruines ont une majesté sobre, une grandeur dépouillée
: elles sont l'histoire figée dans la pierre"
(je ne connais hélas pas l'auteur de
cette citation). |
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Paradoxalement, les châteaux n'ont été qualifiés
de "forts" qu'au XIXe : cela allait de soi à l'époque
!
Les fonctions du château-fort
Le château-fort cumule plusieurs fonctions :
- c'est un lieu d'affirmation du pouvoir
pour le seigneur : il a une fonction ostentatoire car plus le bâtiment
est imposant et plus il est doté de moyens de défenses
exagérés dans leur forme ou leur nombre, plus le seigneur
impressionne et affirme sa puissance. Il assoit ainsi son rang notamment
face aux châtelains voisins ou aux paysans qui en dépendent.
La période de foison des châteaux-forts correspond en effet
au manque d'affirmation de la puissance publique : le pouvoir est ainsi
morcelé aux mains de puissants seigneurs qui défient l'autorité
royale,
- c'est un lieu militaire, qui sert à
protéger les biens et les habitants du fief (on verra que c'est
cette fonction qui en détermine ses caractéristiques architecturales)
: il fait obstacle à l'assaut des combattants adverses,
- c'est un lieu ou s'exerce la justice pour
tous les problèmes survenus sur le fief du seigneur,
- c'est un lieu d'habitation, où
le seigneur et ses proches résident (cela évoluera par
la suite, lorsque le confort sera plus utile que la sécurité
!).
Les évolutions dans le temps
- IX et Xe siècle : les seigneurs
construisent sur des mottes établies artificiellement ou
des collines des tours en bois, avec un ou plusieurs niveaux de
palissades et fossés pour en optimiser la défense.
Les structures en bois, périssables, n'ont hélas
laissé que très peu de trace.
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Photo JFM - Maquette réalisée
par
le chantier médiéval de Guédelon
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Photo JFM - Fort de l'An Mil, décor
du spectacle des Vikings du Puy du Fou.
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- XIe siècle : les constructions
en bois trop vulnérables au feu et aux armes de jets de
plus en plus puissantes sont délaissées au profit
de donjons en pierre, notamment sous l'impulsion des normands
et de Foulques Nerra, comte d'Anjou dès la fin du X°
siècle.
A partir de 1050, on assiste à une "standardisation"
des donjons en pierre (souvent appelé donjon normand ou
angevin), et au XII°, c'est une quasi généralisation
au sein du royaume. Initialement carrée, la forme ronde
s'imposera progressivement car elle réduit les angles morts.
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- Fin du XII et XIIIe siècle : c'est
l'époque des forteresses, notamment sous l'impulsion de Philippe
Auguste et de Richard Coeur de Lion. En effet, les luttes sont vives
entre la Couronne de France et la dynastie Plantagenêt qui tient
l'Anjou et règne sur l'Angleterre : de nombreux châteaux
deviennent alors l'enjeu de luttes pour reconquérir un territoire.
Ces constructions ne sont pas érigées d'un seul jet
: elles sont transformées en fonction de l'évolution
de la poliorcétique (art de conduire des sièges) et
des évolutions de l'armement, la défense étant
fille de l'attaque ! Avec le développement des machines de
guerre et des engins de siège naît l'art de la défense,
dont les forteresses sont le témoignage.
Les éléments caractéristiques
du château-fort
Le grand principe de défense réside dans l'échelonnement
des défenses, pour prolonger la résistance si un premier
ouvrage cède.
- Les douves (du grec dokhê, récipient)
: il s'agit d'un fossé souvent rempli d'eau entourant le château,
elles peuvent être profondes de 10m et larges de 20m !
- La muraille ou le rempart
qui comporte :
- un chemin de ronde au sommet
des murs pour surveiller et défendre activement le château,
- des créneaux (du latin
crena, entaille) et des merlons (partie
pleine entre deux créneaux) pour aider le défenseur
à se protéger,
- des archères ou meurtrières
: ouvertures longues et étroites dans un mur pour tirer
à l'arc ou à l'arbalète,
- des constructions en surplomb des remparts pour jeter verticalement
du haut des murailles (ou du donjon) des projectiles ou eau
bouillante : les hourds (en bois)
ou les mâchicoulis (en pierre),
- des tours pour assurer le flanquement des murailles ou des
échauguettes, guérites
placées en surplomb du mur.
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- Une entrée composée d'un pont-levis
au dessus des douves dont le tablier se relève pour fermer
l'accès au château, d'une herse
(grille de fer coulissant de haut en bas), d'un assommoir
qui est une ouverture permettant de jeter des projectiles verticalement.
La porte étant l'un des endroits les plus fragiles des châteaux,
une barbacane, ouvrage fortifié avancé, servait parfois
à la défendre.
Pont-levis
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Herse
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Echauguette
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Meurtrières
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- Une basse-cour : il s'agit de la cour
intérieure du château protégée par les murailles,
- Le donjon (du latin dominus, tour du seigneur)
: il s'agit de la tour maîtresse d'un château fort médiéval,
et initialement demeure du seigneur. L'épaisseur des murs et
leur hauteur en faisaient de très bons lieux de retraite. Leur
siège pouvait être long jusqu'à ce que les assiégeants
lèvent le camp ou que les assiégés affamés
se rendent. On retrouve certains aménagements décrits
pour les remparts (hourds ou mâchicoulis, archères, créneaux,
échauguettes, ...).
Remarques : les oubliettes, souvent présentées comme des
cachots souterrains dans lesquels les prisonniers étaient "oubliés"
jusqu'à leur mort, sont la plupart du temps des légendes.
Ces cachots étaient en fait des lieux où la nourriture était
stockée.
Les châteaux-forts aujourd'hui
Les châteaux-forts que l'on voit aujourd'hui, vieux parfois de
près de 1000 ans, sont :
- soit des ruines : "Dramatiques
comme des squelettes, les ruines ont une majesté sobre, une grandeur
dépouillée : elles sont l'histoire figée dans la
pierre" (je ne connais hélas pas
l'auteur de cette citation).
- soit démolis : comme le
Louvre, dont les fossés, les fondations et la base du donjon
du château fort ont été découverts suite
à des travaux récents de restauration de la Cour Carrée
(lors de la visite, on peut désormais circuler dans les fossés
de la forteresse médiévale, contourner la base du donjon
et longer les fossés construits sous Charles V),
- soit modifié au fil des ans pour
s'adapter aux nouvelles armes d'attaques, et n'ont donc plus la configuration
médiévale.
Exemples de châteaux forts :
Nous verrons que ces châteaux sont des pièces maîtresses
de la rivalité franco-anglaise : objet d'une lutte acharnée,
ils passent fréquemment d'un camp à l'autre !
Situé au coeur des Corbières, il a été
un des hauts lieux de la croisade contre les cathares avant d'être
profondément modifié par Saint Louis et de se trouver
impliqué dans les guerres de religion.
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Situé au point culminant de la montagne qui surplombe le
village de Montségur, c'est un des lieux mytiques de la résistance
des cathares, dont 200 d'entre eux périront sur un bûcher
après avoir résistés à 3 sièges
!
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Ancré sur un étroit piton rocheux, ces ruines qui
se confondent avec la falaise dominent les Corbières tel
un nid d'aigle. Il sera le dernier bastion cathare à tomber
aux mains des croisés en 1255.
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Situées dans les Corbières dans la plaine de Tuchan,
les ruines de ce château se dressent au sommet d'une colline,
entouré par la garrigue et surplombe un paysage dominé
par la vigne.
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Situé au pied de la Montagne Noire au nord de Carcassonne,
les 4 remarquables châteaux du site sont perchés au
sommet dune crête qui domine la vallée à
plus de 300m.
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Ancré en fond de vallée à 50km au sud de Carcassonne,
le donjon surplombe de ses 25m le village alentour.
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Dressées sur une crête dentelée du Pic Saint
Loup à 25 Km au nord de Montpellier, ces ruines sont magnifiées
par le paysage alentour.
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Situé à 25km au nord de Montpellier, les ruines du
château de Viviourès (ou de la Roquette) s'élèvent
sur un pic à l'extrémité de la montagne de
l'Hortus.
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La forteresse est construite en un an entre 1197 et 1198 par Richard
Coeur de Lion afin de protéger le duché de Normandie.
Philippe Auguste l'assiège en 1204 et sa victoire lui permet
de reprendre le contrôle de la Normandie.
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Autre château destiné à défendre la
frontière entre le duché de Normandie et le royaume
des capétiens !
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Célèbre car ayant abrité les templiers emprisonnés
et ayant été le lieu de rencontre entre le roi Charles
VII et Jeanne d'Arc, ce château positionné sur un éperon
rocheux et dominant la Vienne sur ses 500m de longueur est impressionnant
!
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Impressionnant avec son donjon de près de 40m de hauteur
qui en fait l'un des plus hauts donjons encore en place, les ruines
sont situées sur un long éperon rocheux qui domine
l'Indre et toute la région alentour.
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Magnifique ruine avec un donjon qui date des XIe et XIIe siècles
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La forteresse initiale est édifiée par le roi Philippe-Auguste
à la fin du XIIe siècle : elle comprend alors de nombreuses
tours au milieu desquelles s'élève un donjon.
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Chantier médiéval
de Guedelon : un sacré chantier ! |
Ce projet génial consiste à construire de toutes
pièces au XXIe un château du XIIIe de 60m sur 70m en
respectant scrupuleusement les techniques de l'époque : 50
"oeuvriers" vont y travailler durant 25 ans ! (situé
à 1h30 de Paris en Bourgogne).
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Photos
du chantier médiéval |
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Et on finit par une belle citation de Henri-Paul
Eydoux (Châteaux Fantastiques - Flammarion 1969) :
"Si les châteaux forts sont par essence, sévérité
et violence, nous trouvons même dans les plus rigoureux, des
éléments de familiarité qui sont comme des sourires
dans des visages impassibles : les vestiges d'un logis seigneurial
qui fut accueillant, quelquefois de simples fenêtres, orbites
sans yeux, subsistant dans une rude muraille. Alors surgissent des
visions d'un Moyen-Age violent mais aimable aussi. " |
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