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Charlemagne,
un roi sacré et organisateur (768 - 814) |
La sacre de Charlemagne
Le Pape Léon III est emprisonné à Rome en 799 et
roué de coups par des nobles qui l'accusent d'immoralité
et de simonie (trafic de choses saintes) : ils souhaitent installer un
remplaçant sur le Saint-Siège. Mais le Pape s'échappe
et trouve refuge auprès de Charlemagne : le roi de France le reconduit
sous bonne escorte à Rome. Il se disculpe des accusations en prononçant
un "serment purgatoire" acceptant la punition divine s'il ment.
Enluminures du Département
des Manuscrits de la BNF
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En retour, Charlemagne reçoit du Pape Léon III dans
l'église du Vatican à Rome le jour de Noël de
l'an 800 la couronne impériale : il est sacré Empereur
d'Occident.
Cette consécration confirme sa réelle puissance et
prouve qu'il est soutenu par le Saint-Siège dans ses ambitions
de domination universelle : l'empereur tient de Dieu le pouvoir
qui lui est conféré.
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Les serviteurs de l'Etat
Devenu empereur, Charlemagne se préoccupe de remettre de l'ordre
dans son royaume : or l'immensité du territoire et la multitude
de races et de langues de ses 15 millions d'habitants ne lui simplifient
pas la tâche !
Situé dans le palais d'Aix-la-Chappelle, le gouvernement
était composé de hauts dignitaires pour le conseil
et de ministres ou serviteurs pour l'administration.
Denier
en argent représentant Charlemagne (BN Paris)
Les monnaies en or avaient quasiment disparues
en Gaule depuis la fin de l'Antiquité
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La volonté du souverain s'exprimait par une série d'actes
impériaux, les capitulaires (ordonnance
tirant son nom des capitula qui les composent), qui pouvaient concerner
des questions religieuses, militaires, économiques ou culturelles.
Autoritaire et consciencieux, Charlemagne entendait gouverner par lui-même
mais savait aussi écouter ses conseillers.
Extrait de deux capitulaires
:
- " Que personne n'ose troubler en quoi que ce soit la
décision souveraine du seigneur empereur, ni discuter ce
qu'il fait, ni faire des choses contraires à sa volonté
et à ses ordres."
- Concernant le carême, il prévoit la peine de mort
pour celui qui consomme de la viande "au mépris
de la religion chrétienne, sauf en cas de permission accordée
par un prêtre".
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- L'administration locale :
Charlemagne gouvernait son empire par l'intermédiaire d'environ
200 comtes à qui il déléguait
l'administration locale. Très souvent choisis parmi les membres
de sa famille, ceux-ci seront à l'origine d'une aristocratie
dont les liens survivront, au travers des frontières, au
morcellement de son empire. Les comtes étaient au sein de
leur "comté" à la fois administrateur, juge,
chef militaire et percepteur des impôts et amendes.
Enluminures du Département des
Manuscrits de la BNF
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- Les missi domici :(ou missi
dominici)
Charlemagne créera un corps d'inspecteurs spéciaux chargés
de faire connaître et exécuter les décisions gouvernementales,
les missi domici ("envoyés du
maître"). Composés d'un laïque et d'un ecclésiastique,
ils inspectaient lors de leurs tournées les comtés, veillaient
à l'application des lois et levaient en cas de besoin des troupes
.
Charlemagne envoie ses missi domici (Chroniques de Châteauroux)
L'Eglise jouera aussi un grand rôle
dans l'administration de l'Empire, grâce au dévouement de
ses évêques et des clercs instruits.
Le système de la recommandation
Malgré l'organisation mise en place, il restait difficile à
Charlemagne de surveiller ses provinces. La société franque
de l'époque était uniquement fondée sur des rapports
de fidélité personnelle envers le roi : Charlemagne développera
alors la pratique des serments de fidélité,
prévus au début seulement en temps de crise.
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Chacun devait jurer obéissance à un plus puissant
pour obtenir en échange sa protection et cette chaîne
de subordination fondée sur l'engagement juré était
ainsi un instrument efficace de gouvernement car il permettait d'encadrer
des milliers d'hommes. Chaque ordre du roi était ainsi transmis
à tous les sujets par l'intermédiaire des seigneurs,
puis de ses vassaux et ainsi de suite.
Le protecteur était le seigneur, le protégé
était le vassal : pour prix de la protection qui lui était
accordée, le vassal était tenu de travailler sur le
champ de son seigneur ou bien le suivre à la guerre comme
soldat.
Codex du XIVe, bibliothèque Marcienne à
Venise
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Mais ce principe de recommandation n'était pas sans présenter
de graves dangers : chacun pouvait être tenté d'obéir
à son seigneur plutôt qu'au souverain et il présentait
l'inconvénient de placer entre le souverain et ses sujets de nombreux
intermédiaires, ce qui renforcera la puissance de l'aristocratie.
En effet, le vassal préférait suivre son seigneur plutôt
qu'un roi lointain : ce système de recommandation sera ainsi à
l'origine de la future anarchie féodale à la fin de la dynastie
carolingienne.
Formules de recommandation
- " Tout le monde sait que je n'ai pas de quoi me nourrir
et me vêtir. Pour cette raison, j'ai demandé à
votre bonté la permission de me remettre à votre
garde et de me recommander à vous. Je le fais aux conditions
suivantes : en échange des services que je pourrai vous
rendre, vous devez me prêter assistance tant en vivre qu'en
vêtements ; et moi, tant que je vivrai, je dois vous servir
et vous être soumis comme peut le faire un homme libre,
sans qu'il me soit permis, ma vie durant, de me soustraire à
votre autorité et à votre protection. "
- Dans un capitulaire publié à Pavie en 787, on
lit : " Nous voulons que les hommes libres de Lombardie
puissent se recommander à qui ils veulent, comme on le
faisait au temps des rois lombards. "
- Un capitulaire de 805 insiste sur les devoirs du vassal à
l'égard de son seigneur : " Que personne n'abandonne
son seigneur, sauf dans le cas où le seigneur veut le tuer,
ou le frapper d'un bâton, ou lui enlever son héritage.
"
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Ce rétablissement de l'ordre permettra au commerce avec l'Orient
de se ranimer un peu, et la reprise du commerce provoquera le développement
de quelques villes, particulièrement entre la Loire et le Rhin.
Histoire épique de la statue :
Elle a été conçue sous Napoléon III
à une époque où il était bon de glorifier
l'Empire, ce qui n'était pas de bon goût après
la proclamation de la République en 1870.
Elle est tout de même terminée pour l'exposition universelle
de 1878, mais personne n'en veut !
Après de nombreuses polémiques, l'oeuvre haute de
7 m est finalement acquise par la Ville de Paris en 1895 pour 30
000 francs et installée sur le parvis de la Cathédrale
Notre-Dame.
Elle a faillit déménager en 1973, pour la remplacer
par le "pilier des nautes", qui avait été
retrouvé dans le sous-sol.
Photo JP Mangin
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Deux anachronismes :
- l'empereur est accompagné par deux "leudes", Roland
et Olivier. Les sculpteurs ont oublié que, au moment où
Charlemagne est devenu empereur en 800 (il porte la couronne impériale
sur la tête), Roland est censé avoir été
tué à Roncevaux en 778, soit 22 ans plus tôt !
- il tient en main un sceptre ... qui date en fait certainement de Charles
V, donc du XIVe siècle, soit plus de 500 ans postérieur
à Charlemagne !
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