Charlemagne, restaurateur des lettres et des arts (768 - 814)

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Les "artisans du savoir"

La période des rois fainéants avait été marquée par une ignorance presque complète du latin. Or Charlemagne voulait :

  • un clergé cultivé, capable de lire les Saintes Ecritures dans la traduction latine de la Vulgate et de comprendre les ouvrages des Pères de l'Eglise latine,
  • des fonctionnaires instruits, car les textes officiels continuaient d'être rédigés en latin,
  • une base linguistique et culturelle pour tenter d'unifier son peuple si varié éthnologiquement suite à ses nombreuses conquêtes.

Pour mettre en oeuvre son ambitieuse politique scolaire et culturelle, Charlemagne fera venir de l'étranger (Espagne, Italie ou Angleterre) les "artisans du savoir" et s'appuiera sur le réseau des églises pour les diffuser :

  • l'anglais Alcuin, maître d'école du Palais d'Aix-la-Chapelle, sera ainsi son "ministre" de l'Instruction. Ce savant anglo-saxon aura été un personnage clé dans la politique culturelle de Charlemagne.
  • Eginhard sera entre autres en charge de la construction des bâtiments impériaux et laissera un témoignage riche de cette époque écrit durant sa vie monastique : "une vie de Charlemagne" (c'est grâce à cette oeuvre que Charlemagne est avec Saint-Louis l'un des rois que nous connaissons le moins mal !).

 

Un réseau d'écoles

Charlemagne s'indignait de recevoir de la part de certains moines des lettres " d'un style grossier et remplies de fautes . Nous avons commencé à craindre que, la science d'écrire étant faible, l'intelligence des Saintes Ecritures ne fût moindre qu'elle devait être ; et nous savons tous que, si les erreurs des mots sont dangereuses, les erreurs de sens le sont beaucoup plus ".

  • Le "admonitio generalis"

Le capitulaire "admonitio generalis" ordonne que dans chaque évêché et chaque abbaye "on enseigne les psaumes, le chant, les notes, le comput, la grammaire" (le comput est un ensemble d'opérations permettant de calculer chaque année les dates des fêtes religieuses mobiles et particulièrement celle de Pâques).

L'évêque d'Orléans donnera à son clergé les instructions suivantes : " Que les prêtres ouvrent des écoles dans les bourgs et villages. Si un fidèle veut leur envoyer ses enfants pour les faire instruire, ils ne doivent pas refuser de les recevoir et de les instruire. Et qu'ils ne réclament pour cela aucun salaire, qu'ils n'acceptent rien, si ce n'est ce qui leur sera offert spontanément et par amitié. "

  • L'église, vecteur de l'éducation

C'est ainsi par l'église que passera l'effort d'éducation du peuple : des écoles se fondent auprès des cathédrales et des monastères, et une dizaine d'écoles de calligraphie où l'on enseignait la belle écriture se créent. Charlemagne établira également une école dans son palais d'Aix-la-Chapelle.

Les monastères et leur scriptorium (atelier de moines copistes) recopient avec ardeur les manuscrits des auteurs latins et les livres saints, permettant la constitution de véritables bibliothèques.

Il y aura ainsi à nouveau en Gaule des écrivains capables de composer dans un latin correct et même élégant des poésies religieuses, des livres d'histoire, des ouvrages de théologie : cette renaissance intellectuelle se prolongera pendant les IXe et Xe siècles.

L'écriture "caroline"
Aux pattes de mouches des mérovingiens, succède ainsi une écriture nommée "caroline" : elle s'inspire des écritures wisigothe, lombarde ou mérovingienne, et remet en usage la lettre capitale romaine.
Elle se distingue par sa grande lisibilité, des proportions harmonieuses et le fait que les lettres sont bien détachées les unes des autres (les typographes la connaissent sous le nom de "romaine").

 

Le réveil des arts

L'ambitieuse politique de Charlemagne dans le domaine des arts, qui sera qualifiée de "Renaissance carolingienne", aura entre autres les effets suivants :

  • Des églises parfois très grandes seront décorées sous l'influence de l'art byzantin de plaques d'orfèvrerie, de mosaïques et de fresques.


Mosaïque de l'église de Germigny-des-Près dans le Loiret
(les anges et l'arche de l'alliance)


Coupole octogonale de la chapelle Palatine d'Aix-la-Chapelle

  • Au sein des scriptoriums des monastères, les reliures des Bibles et les reliquaires s'ornent de bas-reliefs et sur le parchemin des manuscrits, on peint des miniatures ou de délicates enluminures inspirées de modèles byzantins. Les lettrines "historisées" dont les thèmes étaient empruntés à l'histoire sainte font leur apparition.
  • Les orfèvres cisèlent des écrins d'or ou d'ivoire pour accueillir de précieux manuscrits ou des reliques.

Lettre B ornée des figures de Saint Jean l'Evangéliste et de Saint Matthieu


Lettre D sur un manuscrit du VIIIe (sacramentaire de Gellone, BN Paris)


Reliure d'un manuscrit carolingien en ivoire et métal orné de pierres précieuses
(bibliothèque de Saint-Gall en Suisse)

La décomposition de cette "renaissance carolingienne" sera provoquée entre autres par les invasions vikings, hongroises et sarrasines des IX et Xe siècles : l'art roman succédera durant les XIe et XIIe, puis l'art gothique durant les XIIe et XIIIe.

 

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