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Développement
monastique pendant les carolingiens |
Contexte religieux
Au début du règne des carolingiens, les monastères
ne respectent plus intégralement la règle de Saint
Benoit :
- ils sont ouverts sur le monde pour participer à l'évangélisation
des populations et intègrent des écoles dans le cadre
de la politique de promotion des arts et lettres
de Charlemagne : cela est contraire au principe de "clôture"
des monastères,
- certains établissements deviennent de véritables centres
d'activités agricoles, économiques et commerciales ...
bien loin de l'engagement de pauvreté des bénédictins,
- les abbés, au lieu d'être nommés par les moines
comme le prévoit la règle, sont nommés par le pouvoir
royal : Charlemagne désignera notamment des laïcs.
Le réforme de Benoit d'Aniane
Pour obliger les monastères à respecter les principes fondamentaux,
Louis le Pieux, fils de Charlemagne, imposera par le capitulaire de 817
la règle bénédictine à tous les monastères.
Il rétablira aussi la libre élection abbatiale en 818 (l'abbé
est alors élu par les autres moines de l'abbaye). Ces réformes
sont organisées et promues par Benoit d'Aniane mais elles ne sont
pas accueillies partout avec le même enthousiasme.
Deux facteurs contribuent à cette époque à décourager
les vocations monastiques :
- la baisse du pouvoir royal incite les seigneurs locaux à s'immiscer
dans la gestion des monastères, ce qui va mettre à mal
leur développement,
- l'isolement fréquent des établissements encouragera
le pillage de la part des envahisseurs normands (les vikings), ce qui
mettra sur le chemin de l'exil de très nombreux moines.
Qui est Benoit d'Aniane ? (à
ne pas confondre avec Saint Benoit !)
Fils d'un comte wisigoth, né vers 750 et élevé
à la cour de Pépin de Bref, il se destine à
la vie monastique en 774 après avoir échappé
à une noyade durant la bataille de Pavie. Il fonde sur une
propriété familiale à Aniane (près de
Montpellier) un monastère qu'il soumet à la règle
bénédictine : ce dernier devient le plus prestigieux
monastère de l'empire carolingien. Une fois au pouvoir, Pépin
le Bref le nomme abbé d'un monastère près d'Aix-la-Chapelle
et le charge d'étendre la réforme monastique à
tout l'empire.
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Développement de l'ordre de Cluny
Dans ce contexte de délabrement de la vie monastique qui subit
à nouveau l'emprise des laïcs, Guillaume, duc d'Aquitaine
et comte de Mâcon, cède à l'abbé Bernon un
domaine dans la Saône pour qu'il y fonde le monastère de
Cluny, sous le patronage des apôtres Pierre et Paul, et qui sera
libéré de toute tutelle laïque. La charte de don rédigée
en 909 stipule que Guillaume cède sa «villa de Cluni et
toutes possessions attenantes : villages et chapelles, serfs des deux
sexes, vignes et champs, prés et forêts, eaux courantes et
fariniers, terres cultivées et incultes».
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Signature de Guillaume 1er et de son épouse
au bas de la Charte de la fondation de Cluny
(B.N.F) |
Le monastère bénéficiera grâce au Pape Jean
XI du privilège de pouvoir intégrer sous son ordre tout
monastère que voudrait lui confier un abbé laïc.
Après les abbatiats d'Odon, Maïeul et Odilon, le réseau
d'abbayes rattachées à Cluny, l'ecclesia cluniacensis,
connaît un essor extraordinaire : au XIIe, environ 300 établissements
avec près de 10000 moines y seront affiliés en Europe,
une densité jamais atteinte pour un ordre monastique !
Cluny III, hélas détruite au XIXe, sera la plus grande
église de la chrétienté devant Saint Pierre
de Rome avec ses 197m de longueur pour une largeur de 90m au niveau
du transept ! A titre de comparaison, Notre-Dame-de-Paris mesure
130m de longueur pour 48m de largeur.
Eglise de Cluny III
BNF, Cabinet des Estampes
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Abbaye de Cluny - BNF, Cabinet des Estampes
Les moines noirs, qualificatif qui leur sera donné en référence
à la couleur de leurs habits, se distingueront par :
- des édifications grandioses aux dimensions superflues avec
de riches ornements : l'ordre accorde en effet une grande importance
à la beauté et à la puissance dans la mesure où
elles contribuent à la louange de Dieu (il
s'opposeront sur ce point avec les cisterciens)
- leur implication aux côtés des évêques pour
instaurer la "paix
de Dieu" au sein d'une société déchirées
par les guerres féodales,
- la mise en oeuvre de la réforme grégorienne dont le
but est de restaurer la discipline ecclésiastique,
- le développement du pèlerinage de Compostelle en proposant
comme étapes leurs abbayes et prieurés.
Le pèlerinage de Saint
Jacques de Compostelle |
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La découverte du tombeau de l'apôtre Jacques à
la fin du IXe en Galice (nord-ouest de l'Espagne) donne naissance
à un pèlerinage. C'est au Xe qu'un moine clunisien,
Aymeric Picaud, décrit les chemins pour s'y rendre dans un
ouvrage qui décrit les "corps saints qui reposent
sur la route" que les pèlerins doivent visiter,
comme les reliques de Sainte Foy à Conques. Et les pèlerins
affluent de toute l'Europe !
Un débat subsiste encore aujourd'hui autour de ce tombeau
: contient-il effectivement les restes du corps de l'apôtre
ou l'histoire a-t-elle été "inventée"
dans le contexte de la reconquête chrétienne de la
péninsule ibérique envahie un siècle plus tôt
par le monde arabe ?
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Itinéraires pour se rendre à Compostelle au départ
de Paris, Vézelay, Le Puy et Arles
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La richesse extrême de l'ordre de Cluny
Cluny va faire l'objet de vives critiques à partir du Xe à
cause des points suivants :
- la puissance de Cluny est de plus en plus ostentatoire, ce qui amène
ses moines à s'éloigner progressivement de la
règle de Saint Benoit. Les nombreux dons les amènent
à s'investir dans la gestion et non dans la méditation.
La pauvreté prônée par les bénédictins
n'est plus qu'un souvenir !
- l'ordre est véritablement inséré dans l'économie
et la société féodale, ce qui est contraire au
principe de "clôture" des monastères,
Le futur Saint
Bernard, l'un des plus sérieux dénonciateurs des écarts
des moines de Cluny, écrira notamment : "O vanité
des vanités, mais plus insensée encore que vaine : l'église
resplendit sur ses murailles et elle manque de tout dans ses pauvres".
Apparition d'autres ordres
Les critiques débouchent sur le développement d'autres
ordres prônant un retour aux valeurs bénédictines,
renoncement de soi et méditation. Les initiatives érémitiques
vont également se multiplier :
- Robert de Turlande fonde l'abbaye de la Chaise-Dieu
en 1043 et à sa mort, 50 prieurés auront été
fondés,
- Les Chartreux : Bruno, après
avoir refusé le siège épiscopal de Reims,
séjourne avec quelques disciples dans une abbaye mais est
déçu par cette expérience. Il crée
un monastère en 1084 dans le désert de la Chartreuse
sur des terres cédées par Robert de Turlande (près
de Grenoble) qui donnera naissance à l'ordre des Chartreux
pour lequel une règle spécifique est rédigée
en 1125 : cet ordre contemplatif allie la rigueur d'une vie solitaire
avec la vie fraternelle et donc communautaire.
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Actuellement, 24 monastères continuent de faire rayonner "l'esprit
chartreux", et la liqueur à base de plantes fabriquée
par les moines chartreux perpétue leur célébrité
!
- Les Chanoines : ces communautés
adoptent les préceptes de Saint Augustin mais restent en contact
avec la société en menant une activité pastorale
d'évangélisation des fidèles,
Saint Augustin : né au IVe,
il est évêque durant 35 ans d'Hippone en Afrique : il
évangélise la population et ses prédications,
par leur force, deviennent célèbres. En parallèle,
il est abbé d'une communauté pour laquelle il rédige
une règle monastique qui servira de base au Prémontrés
au XII. |
- Les Prémontrés : lEvêque
de Laon concède à Norbert un lieu désert et sauvage,
nommé Prémontrés. Il y fonde en 1120 une communauté
de religieux qui mèneront une activité de prédication
avant que leur soit confiée une mission d'enseignement.
En 1152, lAbbaye
de Leffe (dans la province belge de Namur non loin du fleuve
Meuse) est fondée par des moines Norbertins ou Prémontrés
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On y retrouve en 1240 la première
référence à la brasserie dans les archives. A
l'époque, lAbbaye de Leffe brassait une bière
réservée exclusivement aux religieux et à leurs
hôtes de marque. Elle est depuis diffusée à un
public plus large ... mais le marketing de la marque n'est pas le
sujet ! |
- Robert d'Arbrissel fonde l'ordre de Fontevrault
en 1100.
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